Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
31 décembre 2004 5 31 /12 /décembre /2004 00:00

RAPPORT ANNUEL 2004

 

 

 

 

CONCLUSION COMMUNE DU COLLECTIF DES

MEDECINS DU TRAVAIL DE BOURG EN BRESSE

 

 

 

 

 

 

 

LA SANTE AU TRAVAIL :

 

 

SOUS LE REGNE MORTIFERE

DE L’EMBALLEMENT IDEOLOGIQUE DEVOREUR DE SENS

 

 

L’AUTHENTIQUE MEDECINE DU TRAVAIL 

LE VRAI METIER DE MEDECIN DU TRAVAIL :

LE COUP DE GRACE PORTE PAR LE DECRET DU 28 JUILLET 2004

 

 

 

 

 

ATTENTION DANGER   !

 

« Ce siècle a connu deux totalitarismes, nazi et communiste. Un troisième est en train de s’installer, celui de l’argent. »

Geneviève de Gaulle Antonioz

 

 

 

 

SALARIES, CE QUE VOUS DEVEZ SAVOIR…

 

 

 

Collectif des médecins du travail de Bourg en Bresse                                   

Docteurs : Cellier, Chapuis, Chauvin, Delpuech, Devantay, Ghanty, Lafarge, Lauze

                41 boulevard Voltaire 01000 Bourg en Bresse Tél 04 74 21 88 24                                                                                                                                                                                                                                                                                                              Février 2005

 

 

 

 

 

 

 

                                               Avertissement  au lecteur

 

 

 

 

 

Vous avez reçu l’année dernière le bilan très complet de dix ans d’expérience, nous vous joignons les fondamentaux indispensables à la santé au travail qui en découlent.

 

Le décret de juillet 2004 les a ignorés, non seulement il n’est pas à la hauteur des besoins mais il nous met nous, les médecins du travail, sur une voie dangereusement régressive.

Jusqu’ici, chaque année au moment du rapport annuel, nous faisons un écrit synthétique. Nous optons pour une expression particulière cette année, plurielle dans la forme, elle veut exprimer la même indignation compte tenu de l’aggravation de l’emballement du système et de l’assassinat de notre métier par le dernier décret.

 

 

Vous trouverez ci-joint :

-Les fondamentaux à une vraie réforme p.3

-Nos travaux de réflexion et interpellations sur le décret

-Le mot de la fin à lire absolument p.26

 

 

 

Nous tenons à votre disposition :

-Le bilan de dix ans d’activité collective.

-Les actes du séminaire de Pont de Veyle du 20 novembre 2004 :                             

       « Santé au travail, environnement protégé : deux missions impossibles dans la logique libérale »   

qui traitent dans le détail de ces importantes questions.


 

FONDAMENTAUX EN VUE DE PROPOSITIONS DE LOI POUR AMELIORER LA SANTE AU TRAVAIL

 

 

Il faut bien savoir qu’il existe des acteurs de prévention compétents et potentiellement opérationnels sous réserve de les libérer des verrous institutionnels qui les empêchent d’agir et d’être efficaces. Le désenclavement des trois institutions principales, l’inspection du travail, la médecine du travail et la CRAM est absolument nécessaire.

 

 

Préalable indispensable :

 

Un engagement fort des pouvoirs publics est indispensable pour mener à bien les transformations nécessaires.

 

Pour une efficacité optimale, un certain nombre d’actions sont à mener simultanément pour relancer la machine démocratique.

 

 

1-L’inspection du travail

 

Appliquer la loi dans les entreprises est une vraie question d’ordre public. L’effectivité du droit est le premier levier à actionner pour « booster » la prévention. Un renforcement puissant des moyens donnés à l’inspection du travail est donc inévitable, moyens humains mais aussi réaffirmation de la légitimité de la mission d’ordre public social pour sortir cette institution de l’injonction paradoxale.

Il faut aussi donner des missions claires et sans ambiguïté aux médecins inspecteurs du travail.

 

2-Protection sociale : missions de prévention et d’assurance de la sécurité sociale

 

Il est primordial de remettre la sécurité sociale face aux réalités et aux besoins  en réaffirmant son rôle premier au niveau de la prévention et donc de la coercition. Il faut faire en sorte que ceux qui génèrent les risques et les contraintes paient à la hauteur des dégâts. Une réelle incitation à la prévention peut être donnée si elle s’accompagne d’une possibilité de coercition. Les inspecteurs de la CRAM ne doivent plus être soumis à des injonctions paradoxales et doivent disposer de moyens appropriés à leurs missions.

La sécurité sociale est un organisme initialement prévu pour la prévention, il n’est pas normal que ce budget prévention ne soit que de 2%.

 

3-L’INRS et la DRIRE

 

Il faut libérer ces acteurs de leurs empêchements afin de satisfaire à l’exigence d’efficacité. Ils sont un maillon essentiel pour la mise en visibilité des atteintes à la santé.

 

4- Traiter l’inadaptation chronique des services de santé au travail

 

Il faut en finir absolument avec la gestion patronale unique de ces services et rompre le lien financier direct avec les employeurs.

 

Les missions seront axées sur la veille, l’alerte, la force de proposition, dans le seul intérêt de la santé et la sécurité des salariés.

 

Il faut créer des agences de santé au travail avec des unités de fonctionnement régionales pour répondre aux besoins et une représentation nationale pour harmoniser et équilibrer les inégalités territoriales.

 

Ceux qui génèrent les risques devront financer le fonctionnement de ces agences de manière indirecte. Le bon fonctionnement en toute transparence se fera grâce à un contrôle social équilibré.

 

Pour gérer ces agences, les employeurs seront forcément minoritaires. La représentation des salariés sera majoritaire à travers les associations syndicales mais aussi les associations de victimes. Y participeront également les professionnels de la prévention et l’Etat. Avec les médecins du travail, d’autres intervenants pluridisciplinaires travailleront en coopération avec des garanties réglementaires réelles d’indépendance professionnelle.

 

Il est impératif d’abroger le décret de Juillet 2004.

Il est impératif d’en finir avec la notion d’aptitude.

Il est impératif d’abroger l’alinéa du décret de Février 2001 qui concerne l’aptitude à exposer un salarié aux cancérigènes, mutagènes et aux toxiques pour la reproduction.

 

La formation des médecins doit être améliorée en leur donnant toutes les clés d’intelligibilité très spécifiques dans ce domaine de la santé au travail.

 

5- Répondre à l’énorme besoin de démocratie sociale

 

Le paritarisme a de loin démontré son insuffisance pour satisfaire les exigences dans ce domaine. Il y a un déficit majeur d’expression des salariés des PME et TPE. On pourrait envisager des délégués salariés formés en santé au travail, élus par leurs pairs et ayant une possibilité d’intervention pour permettre une réelle expression et délibérer sur les conditions de travail dans les entreprises.

Nous demandons l’abrogation du contrôle médical patronal, véritable violation démocratique puisqu’il existe déjà un contrôle de la sécurité sociale lui-même socialement admis.

 

6- Mise en place d’actions concertées

 

Il est nécessaire que les différents partenaires : DRIRE, INERIS, associations de citoyens… puissent agir en synergie afin que leurs forces vives soient valorisées. Il faudra aider au décloisonnement et à la coopération possible avec les autres acteurs de santé, chacun dans leur propre rôle de santé publique.

 

7- La recherche

 

Un vrai budget de recherche doit enfin être attribué afin de pouvoir faire avancer les connaissances tant sur ces questions de toxicologie que sur la question sociale et ouvrière.


 

 

 

                                   INTERPELLATIONS A VOIX MULTIPLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Il n’est pas inimaginable, même, que le système actuellement régnant connaisse une implosion comparable à celle où s’est abîmée l’URSS. On en voit plusieurs causes possibles : un désastre économique, un Tchernobyl aggravé, par exemple ,tel qu’il faille mettre fin d’urgence à l’orgie productiviste ; une usure violente de la « psyché », une déstructuration intérieure des humains telle que tout le corps social vire au chaos (on nous offre, en fiction ciné ou télé, quelques avant-goûts) ; ou bien même, tout simplement, une chute plus ou moins brutale de ce désir-envie dont se nourrit la pub, et voici les humains aspirant à la vie simple et aux bonheurs gratuits; une fin du monde pour ce monde où nous sommes. Il y a en lui quelque chose de fou; il faudra bien sortir du délire. »

 

Maurice Bellet


Interpellation n°1

 

« Santé au travail : l’impérieuse nécessité d’insurrection des consciences »

 

                Depuis plus d’une décennie les entreprises se sont engagées dans des modifications technologiques, organisationnelles et managériales en vue d’accroître leurs gains de productivité.

                Actuellement ce système connaît un véritable emballement sur fond idéologique d’un hyper libéralisme débridé auquel rien, ni personne ne devrait s’opposer.

 

                Les conséquences sur la santé physique mais aussi, plus que par le passé, sur la santé psychique des salariés sont considérables.

Toute une série d’études et d’enquêtes récentes en apportent la preuve : (sans parler des écrits de notre collectif depuis 10 ans)

En France :           

-          Les rapports de L’IGAS et de la Cour des Comptes

-          Les enquêtes « conditions de travail » de la DARES

-          Le rapport 2004 (Mme Elyane BRESSOL) du conseil économique et social

-          L’enquête SUMER récemment publiée

 

 

En Europe :    les statistiques d’EUROSTAT et les rapports de la Fondation de Dublin  pointent d’ailleurs la France  comme ayant les plus mauvais indices de santé au travail en Europe.

 

« L’homme au travail se trouve maintenant dans un univers exigeant des réflexes plus rapides, une attention soutenue en permanence, une adaptation à des situations et à des enjeux toujours nouveaux »   Jacques ELLUL.

 

                Face à tous ces constats alarmants, nous nous devons de dévoiler aux salariés l’imposture que représente le Décret du 28 juillet 2004 sur la santé au travail.

Pour nous, médecins du travail de terrain ayant, pour certains, plus de 25 ans de pratique dans ce métier, c’est la « mort annoncée de la Médecine du Travail » et nous devons vous avouer que nous ne savons plus maintenant ce qui va se passer, si nous allons pouvoir continuer à travailler dans de telles conditions. Nous allons vous expliquer pourquoi.

 

                La loi de 1946 (toujours en vigueur) confiait la protection de la santé au travail des salariés à des médecins, dénommés « Médecins du Travail » qui avaient pour mission d’agir afin « d’éviter toute altération de la santé du fait du travail ».

 

Nous pensons qu’il y a là un vrai métier, équilibré, entre :

 

  1. d’une part une activité clinique puisque nous sommes médecins, (« les visites médicales ») qui permet la surveillance de l’état de santé des salariés mais aussi, lorsque la confiance a pu s’installer, de recueillir la PAROLE DES SALARIES sur leurs conditions de travail réelles, sur leur façon d’accomplir leur travail, véritable « boîte noire » dont le contenu ne sera jamais observable, mesurable par une observation sur le terrain.

« Nous savions sans y être allé »

 « il est mensonger de dire que l’essentiel se voit de façon objective »

 

  1. d’autre part cette Loi et les décrets qui ont suivi demandaient au médecin du travail d’avoir une action sur les conditions de travail, comportant, entre autres, une présence sur le terrain, dans les entreprises (« le 1/3 temps » que le décret de 1979 avait rendu obligatoire, jamais respecté d’ailleurs…)

 

                Pour remplir cette mission une frange active de la profession s’était dotée d’outils de compréhension plus fine des processus en jeu dans le travail. Elle avait ainsi pu construire des modalités d’interventions les plus pertinentes possibles pour essayer de remplir sa mission préventive.

 

                Mais cette réforme, concrétisée par ce nouveau décret, ignore, balaye tout cela et considère comme inexistant toute cette évolution accomplie par la profession depuis 25 ans.

Alors que les constats sont faits et refaits, que les indices des mauvaises conditions de travail et leurs conséquences sur la santé publique s’aggravent et qu’il faudrait, enfin, prendre en considération « l’urgence de l’essentiel » (E. MORIN)  ce texte ne parle pas de PREVENTION !

 

                Alors qu’une évaluation obligatoire de tous les risques professionnels avec établissement d’un document unique a été imposée à toutes les entreprises il y a deux ans, ce texte nous demande, et plus, nous impose de manière très pointilleuse et tatillonne, d’aller sur le terrain remesurer encore, en rédigeant des « fiches d’entreprises » à la chaîne. Et nous serons contrôlés individuellement sur l’établissement de ces fiches, notre Médecin Inspecteur Régional lors de son « explication de texte » du décret nous a bien prévenu !!! Entre parenthèse,  précisons ici que pour nous, la fiche d’entreprise,  reste, bien entendu, un moyen indispensable pour transmettre nos constatations sur les conditions de travail de l’entreprise.

Nous ne nous insurgeons que contre l’abêtissement de son usage après avoir longuement déploré sa non-utilisation, sa non-exploitation par ses destinataires !

 

                De plus ce détournement de la fiche d’entreprise vise à en faire donc une unité comptable de l’activité du Médecin du Travail avec tous les risques de dérive commerciale qui peuvent entacher notre pratique médicale, compte tenu du contexte actuel du financement des services de santé au travail.

 

Force est de constater que rien de ce que proposent depuis des années les professionnels de la prévention avec force rapports, séminaires, congrès n’a été repris par ce décret. Pourquoi tout cela ?

 

            -  pour empêcher le développement d’une véritable prévention en santé au travail car la prévention dérange, gène la « bonne marche de l’entreprise » telle que la conçoit l’ultralibéralisme pour qui il ne doit y avoir aucune entrave au profit d’où qu’elle vienne : de la réglementation, de l’action des préventeurs ou de la mobilisation des salariés.

 

            -  mais aussi parce qu’en envoyant le médecin du travail faire des fiches d’entreprise cela évitera d’activer L’inspection du travail auprès des entreprises puisque lors de ses interventions elle peut, elle, utiliser une COERCITION dont on ne veut surtout pas. Comble de tout on risque ainsi d’en arriver à ce que ce soit l’inspection du travail qui contrôle le médecin du travail en vérifiant s’il fait bien toutes ces « fiches d’entreprises » !

 

            -  enfin, en jouant sur la mauvaise « image de marque » traditionnelle du médecin du travail il sera facile alors d’en faire le « bouc émissaire » idéal. Ce sera bien à cause de lui que la prévention n’avance décidément pas dans ce pays !

 

                Pour tout cela ce décret n’est pour nous que la manifestation d’un système économique de plus en plus autoritaire, qui ne supporte aucun obstacle à son développement et qui, comme l’avait pressenti il y a 30 ans le philosophe Michel Foucault, nous « surveille et nous punit ». Il représente un « tour de vis » de plus au niveau du carcan qui enserre depuis bientôt soixante ans le médecin du travail en le forçant, cette fois ci, à aller perdre son temps à faire et refaire des choses inutiles afin de l’empêcher de se consacrer à sa véritable mission, bien trop dérangeante pour ce système.

Nous sentons tout le mépris dont ce décret est porteur pour la santé des salariés et pour la dignité des médecins du travail.

 

Mais de qui se moque-t-on ? Pour qui prend t-on les médecins du travail pour les traiter d’une façon qu’aucun autre groupe professionnel ne tolèrerait ?

 

Cela suffit maintenant ! Allez donc jusqu’au bout !

 

Faites preuve de courage : Supprimez-nous !

 

 

 

                Le devenir des médecins du travail c’est une chose, mais après tout, c’est la santé des salariés, c’est votre santé que l’on sacrifie ainsi, en ne voulant pas mettre en œuvre une véritable prévention en santé au travail, en vous abandonnant à notre seule observation, à notre seule évaluation comme des cobayes !

 

Alors quelle réponse pouvons nous essayer d’apporter, vous les salariés et nous les médecins du travail ? Il y a là, nous semble-t-il, une impérieuse nécessité « d’insurrection des consciences » dirait Pierre Rabhi.

 

                En ce qui nous concerne d’autres textes, placés hiérarchiquement au dessus de ce simple décret, s’imposent à nous, médecins et doivent guider notre conduite en fixant un cap clair d’orientation de notre action, centrée uniquement sur la santé et la prévention.

 

D’abord la loi Fondatrice de 1946, toujours en vigueur, qui fixe notre mission clairement : agir pour éviter toute altération de la santé du fait du travail.

 

Ensuite le code de Déontologie Médicale, inscrit dans la loi qui dit à l’Article 10 « que l’art médical ne peut, en aucun cas, ni d’aucune façon être pratiqué comme un commerce » et à l’Article 5 « que le médecin ne peut aliéner son indépendance sous quelque forme que ce soit ». Le respect de cette loi est une garantie de pouvoir travailler authentiquement en référence à des règles professionnelles uniquement construites sur les besoins de santé au travail. Il ne s’agit en aucun cas d’une question de confort pour les médecins mais d’une condition indispensable d’efficacité pour mener la mission de prévention qui nous est confiée.

 

 

 

 

                En conclusion il faut que les salariés sachent qu’il existe des acteurs de prévention compétents et potentiellement opérationnels sous réserve de les libérer des verrous institutionnels qui les empêchent d’agir et d’être efficaces.

Le désenclavement des trois institutions principales, l’Inspection du Travail, la Médecine du Travail, et les services Prévention de la CRAM est absolument nécessaire.

 

Pour faire avancer cette question, nous avons co-animé et co-organisé le 20 novembre 2004 à Pont-de-Veyle un forum consacré à notre « métier empêché ». A la suite de cette journée un certain nombre de fondamentaux en vue de proposition de loi pour améliorer la santé au travail ont été définis.


 

Interpellation n°2

 

 

« On oriente aujourd’hui les médecins vers un métier qui n’est pas le leur »

 

Les problèmes de santé en lien avec le travail s’aggravent. Nous avons démontré, comme

d’autres professionnels, rapport après rapport, depuis déjà plus de 10 ans, que l’état de santé des 20 000 salariés que nous rencontrons tous les ans se détériore. Ces rapports de professionnels ont été confirmés par les statistiques européennes et par les grandes études gouvernementales récentes. Tous les chiffres concordent ; les français risquent de plus en plus leur santé et leur vie au travail et la prévention est un leurre.

 

Ces constats de dégradation de la santé au travail sont en lien avec les grands problèmes de société actuels : déficit de la sécurité sociale dans lequel on fait abstraction du coût caché des pathologies en lien avec le travail, non prise en charge des malades et évolution vers des pathologies de plus en plus lourdes, accélération des cas de suicides chez les jeunes, montée en puissance de la violence, dégradation de la santé environnementale …

 

Pourtant, une prévention est réellement possible, nous avons essayé de convaincre de  la nécessité et de l’urgence d’une réforme du système de prévention. La problématique est pour nous tellement claire qu’elle a été encore l’objet d’un séminaire en Novembre 2004 « Santé au Travail et Environnement protégé : deux missions impossibles dans la logique libérale ». Il existe des possibilités de transformation évidentes. (voir nos actes en vue de propositions de lois).

 

Le décret sur la réforme de la médecine du travail a pris forme en Juillet 2004. Comble de désespoir, il fait fi de tous ces constats, de toutes ces propositions de transformation. Il nous est présenté comme un grand pas vers la prévention mais nous savons à l’évidence que ceci n’est que poudre aux yeux. Alors que nous avions dénoncé l’inefficacité du système et les dangers tels que le verrouillage par l’aptitude et la gestion patronale de nos services de santé au travail, il s’agit de mesures qui verrouillent encore plus les médecins du travail dans un systématisme stérile qui nous oblige à évaluer et réévaluer les dégâts dans l’unique but de gagner encore du temps et de ne pas s’attaquer aux vraies causes. Pire encore, ces constats accablants sur la santé au travail sont utilisés comme arguments pour culpabiliser les médecins du travail, les rendre responsables de l’échec organisé de cette prévention. Pendant des années, tout a été prévu pour que nous soyons loin des lieux de travail et que nous nous retranchions dans nos cabinets médicaux pour faire de la gestion de la santé par l’aptitude. Malgré les difficultés, certains d’entre nous ont su  construire une médecine d’écoute et d’accompagnement à échelle humaine, accompagnement devenu indispensable dans la situation actuelle de dégradation des conditions de travail et de souffrance psychique. Par ce décret, la construction laborieuse de ce vrai métier de médecin du travail est balayée puisqu’on nous demande désormais de faire de la visite d’entreprise systématique, comme si le seul fait de sortir de nos cabinets allait faire avancer la prévention alors que nous crions depuis des années que nos rapports issus des consultations et de notre travail sur le terrain ne sont pas écoutés. Ce décret a été établi sans tenir compte de l’avis des professionnels, ni de celui du conseil de l’ordre qui dénonce le risque d’augmentation de la cadence des examens médicaux et de dégradation de la qualité de la prise en charge médicale.

 

Comment peut on croire en cette nouvelle réglementation qui laisse les médecins du travail soi disant « pivot » du système de prévention alors que leurs attentes n’ont même pas été prises en compte. Ce fonctionnement nous impose un travail en total décalage avec les valeurs de notre métier. Il est impensable pour nous, médecins, de s’entendre dire par les porte-parole du ministère ou par nos directions de service, que nous allons devoir « vendre notre tiers temps » ou être évalués sur notre nombre de fiches d’entreprises faites dans l’année. Nous refusons ceci qui n’a aucune valeur déontologique et aucune valeur préventive. N’importe quel autre médecin spécialiste ne peut pas prétendre améliorer la santé de son patient en multipliant les rapports qui décrivent sa pathologie. Pourquoi nous demander cela ?

 

Nous connaissons bien le travail de terrain. Dans de nombreuses entreprises, les risques physico chimiques sont toujours d’actualité et expliquent l’épidémie de TMS, l’augmentation incessante des cancers professionnels, l’augmentation des problèmes de stérilité… Dans beaucoup de nos entreprises nous avons fait ce travail d’évaluation, de rapports et de propositions de transformation. Ces rapports sont totalement inefficaces s’ils ne sont pas relayés par des mesures concrètes d’application. Dans le même temps, les contraintes psychosociales s’accentuent, en lien avec l’emballement du système et la gestion des individus par le « toujours plus » et « toujours plus vite ». Les médecins du travail sont en première ligne dans la prise en charge de ces psychopathologies qui se multiplient et pour lesquelles une visite d’entreprise n’a aucun intérêt, même si l’on veut nous convaincre du contraire.

 

En pratique, on oriente aujourd’hui les médecins vers un métier qui n’est pas le leur. On nous utilise comme gestionnaires des risques, comme « prestataires de service », on nous suggère de plus en plus de faire du contrôle des salariés sur lesquels on fait reposer une responsabilité qui n’est pas la leur. Pour le ministère, il faudrait innover et réinventer le travail sur le terrain comme si les constats ne suffisaient pas et comme si la santé pouvait être un objet commercial à remettre au goût du jour. Dans nos réunions avec la direction du travail, il nous est même clairement dit que notre métier n’était plus de se préoccuper de la santé des salariés mais d’œuvrer à réaliser une traçabilité du risque avec l’espoir hypocrite qu’un jour, les victimes pourraient obtenir réparation. Nous voyons là encore une fois à l’œuvre les mécanismes de destruction de la valeur du travail, mécanismes identiques à ceux que nous décrivons dans l’altération de la santé de la plupart des salariés en souffrance que nous rencontrons.

 


Interpellation n°3

 

« Levons-nous ensemble pour refuser l’indignité dans laquelle nous sommes mis »

 

Toutes les histoires antérieures de médecins du travail mis à mal parce qu’ils ont dit la vérité sur les conditions de travail et tenté de les améliorer, montrent comme à chaque fois que les projecteurs sont mis sur le médecin alerteur ce qui, au lieu pour l’entreprise de saisir cette occasion  pour améliorer les conditions de travail, favorise la continuité des effets délétères du travail sur les hommes et les femmes , en toute impunité.

Cet empêchement de notre mission de préventeur est un affront porté à vous les salariés et à vos droits fondamentaux à la santé au travail

En prévention en santé au travail, on se trompe régulièrement et bien consciemment de problème ; ceci permet l’immobilisme de la non transformation du travail, voire même son aggravation.

 

Depuis des décennies, nous vous signons des avis d’aptitude à exécuter un travail souvent nocif pour votre santé, alors que c’est sur les conditions de travail qu’il faut agir, et c’est sur ce point là que doivent être braqués les projecteurs.

L’aptitude est  un facteur PUISSANT d’immobilisme.

Son concept est hypocrite, c’est un faux-semblant, le système veut vous faire croire qu’il s’agit de  prévention alors que c’est un mensonge, une véritable imposture.

 

La course effrénée à la rentabilité, avec recherche incessante de baisse du coût du travail au mépris de l’humain (par la diminution des effectifs,l’augmentation des cadences), l’évaluation des personnes par le seul aspect quantitatif du travail, la non amélioration des postes de travail au niveau des pénibilités de manutention, au niveau du risque chimique, toute cette idéologie en marche prescrit que les préoccupations de l’être humain et de sa santé soient absentes des organisations de travail , traitées dans le déni et bafouées. Et c’est à ce travail-là que nous souscrivons régulièrement que vous êtes aptes.

Nous avons depuis longtemps dénoncé le danger lié à ces avis systématiques d’aptitude, inefficaces et déontologiquement honteux.

 

Nous avons professionnalisé le contenu des consultations que nous avons auprès de vous, nous les avons voulues d’une autre teneur que cette attitude de sélection que contient cette notion d’aptitude : par votre parole, nous y avons compris la réalité du travail, à tel point que grâce à vos descriptions, grâce à l’expression que vous nous avez fait de ce que vous vivez réellement au travail, nous avons une connaissance du travail souvent meilleure que par l’observation du poste.

En tout cas, si l’observation des postes peut compléter nos consultations,  et notre travail consiste aussi à faire des liens entre ce que nous avons compris en consultation et les observations du terrain ,ces entretiens avec vous demeurent plus que jamais  indispensables à la compréhension du travail, au diagnostic que nous faisons des besoins d’amélioration du travail et, bien sûr, à l’écoute clinique et à l’accompagnement que nous vous donnons.

 

Alors qu’il y avait de grandes leçons à tirer de tout cela, et de grandes leçons à tirer des graves constats d’aggravation en santé au travail -  nos indices locaux et les indices nationaux concordent – voilà qu’arrive un décret  qui , sous couvert d’améliorer la prévention , vient  conforter les éternelles erreurs malgré l’avis de nombreux professionnels en santé au travail : les vrais problèmes de fond sont toujours occultés et c’est  le médecin du travail qui sert de bouc émissaire , portant,  comme le portent les salariés et leur santé, le poids  des conséquences de l’hypocrisie du système.

 

 

Et si  besoin était que certaines pratiques soient dénoncées en médecine du travail, ça n’est encore pas sur ces points cruciaux que le décret apporte des exigences de changement.

 

Nous sommes d’accord sur le fait qu’il faut que nous soyons davantage sur le terrain, dans les entreprises, mais attention, ne vous laissez pas prendre au piège de cet aspect très politiquement correct du décret : ceci n’est pas une garantie d’efficacité pour la prévention, c’est encore un faux-semblant, une mascarade , nous avons le devoir de vous alerter. Le travail qui nous y est demandé et pour lequel nous serons contrôlés, est un travail de listage des risques, ceci aux dépens du temps de consultation.

Le temps de description des risques est dans la plupart des cas dépassé, la description des risques est faite, et à notre actif  nous avons décrit, listé, dit, écrit, alerté, demandé des améliorations, en vain le plus souvent.

Ce temps d’évaluation que l’on nous demande encore, s’il doit se poursuivre au fur et à mesure de l’évolution du travail, ne peut servir d’alibi pour permettre encore et toujours, que rien ne change du côté de la transformation du travail. Nous ne voyons aucune mesure sérieuse et responsable de prise pour imposer cette transformation.

Nous voulons vous prévenir : notre métier est difficile, nous avons sans cesse travaillé à faire une  articulation entre les constats réalisés lors de  nos entretiens avec vous et l’étude des conditions de travail ;  nous avons alerté sur ces constats. La loi nous demande maintenant de nous passer de votre parole et de devenir des contrôleurs. La parole serait suspecte car subjective ; nous croyons très fermement que la parole des salariés est la base de tout travail en santé au travail et en prévention. Nous avons le devoir de la préserver,  de la soutenir, de la susciter.

Nous savons qu’avec ce décret, nous allons encore vers l’impossibilité, l’inefficacité de notre mission qui est celle d’éviter que votre santé ne soit altérée par le travail.

Nous vous disons haut et fort que nous aurons encore moins les moyens de cette mission.

 

Nous avons écrit et diffusé largement les véritables fondamentaux indispensables à une réelle réforme de ce système de prévention en santé au travail, fondamentaux qui veulent courageusement et de façon responsable s’attaquer aux vraies causes de l’inefficacité du système.

Au début de ce rapport, vous  avez pu lire ces fondamentaux, rédigés à l’occasion d’un séminaire en santé au travail et en environnement, séminaire organisé dans l’objectif de pousser les politiques à relayer ces questions.

Ce problème de la santé au travail est à ce point alarmant que nous avons proposé à ces politiques de travailler à un projet de loi visant à réformer en profondeur le système de prévention en santé au travail.

 

Tout comme vous, nous ne pouvons rester dans la soumission, nous avons comme vous le devoir de nous lever ensemble pour refuser l’indignité dans laquelle nous sommes mis, vous et nous, à collaborer à un système qui organise l’inhumain et nous pousse à trahir les valeurs que nous engageons tous au travail.

 


 

Interpellation n°4

 

« N’est-ce-pas grotesque  pour des médecins de ne pas s’occuper de santé ? »

 

 

A partir des constats d’atteinte à la santé physique et psychique qui s’aggravent d’année en année et dont nous avons fait largement part aux instances responsables et aux politiques locaux et nationaux, nous avions demandé et souhaité une réforme en profondeur de l’institution médecine du travail en faisant des propositions qui auraient pu apporter une amélioration du système de prévention en santé au travail.

De notre point de vue de professionnels de terrain, donc confrontés régulièrement aux difficultés d’exercice et à même de tirer les conclusions qui s’imposaient, nous avons analysé, disséqué, argumenté et diagnostiqué les entraves à ce système qui faisait la preuve de son inefficacité depuis de nombreuses années et qui avait donc comme conséquence de nous laisser témoins de ces ravages médicaux et acteurs impuissants pour éviter l’altération de la santé des salariés.

 

Nous n’avons pas été pris en considération et le nouveau décret de juillet 2004 plutôt que réformer intelligemment le fonctionnement des services de santé au travail nous enlise encore d’avantage dans le non sens d’une mission qui va à l’encontre du prescrit originel : « éviter l’altération de la santé des travailleurs » .

 

D’un systématisme taylorien d’examens médicaux ou visites médicales « vétérinaires », que nous avions fait évoluer favorablement en les transformant en consultations médicales avec entretien dans un colloque singulier avec les salariés qui nous apprenaient énormément sur les conditions et organisations de travail, et nous permettaient ainsi d’avoir une compréhension de l’entreprise, qui nous incitaient, selon les besoins, à réaliser des études de postes ou des visites d’entreprise en sachant exactement ce que nous voulions étudier, nous passons à un systématisme débilitant qui nous demande désormais de rédiger, sans notion de nécessité, des fiches d’entreprise. Nous parlions de tiers temps qu’il fallait faire si possible après avoir privilégié LA VISITE, nous parlons maintenant de deux tiers temps que nous ferons comme nous pourrons après avoir privilégié LA FICHE.

 

Soyons sérieux, les fiches d’entreprise non lues, non prises en considération, non étudiées n’apportent rien à la prévention. Une fois encore, les médecins du travail serviront de boucs émissaires idéaux à qui l’on renverra la responsabilité d’un système en faillite, alors même que nous dénoncions depuis 10 ans le pourquoi de cette faillite.

On nous enlève notre activité de clinicien pour nous demander de faire un travail de technicien, en ne nous donnant aucune piste d’intelligibilité car autant dire tout de suite que ces visites d’entreprises seront des visites guidées ne nous montrant que le côté jardin  en négligeant le côté cour. La fiche d’entreprise ne fera jamais transparaître la réalité du travail et parasitera notre temps médical qui était déjà insuffisant.

 

L’inspection médicale du travail qui n’analyse pas nos rapports dans le sens médical du terme mais comptabilise les examens médicaux, les visiotests… sans en tirer de conclusions en terme de prévention, va se mettre à nous contrôler en comptabilisant les fiches d’entreprise. Nous avons bien pris note que nous n’étions pas responsables de la santé des salariés !! (dixit notre Médecin Inspecteur Régional du Travail). N’est ce pas grotesque pour des MEDECINS que de ne pas se soucier de santé !!

 

Alors que nous demandions le retrait de l’aptitude et de la gestion patronale qui étaient les deux verrous forts à notre indépendance, ceux-ci demeurent, alors que l’on nous assure un renforcement de cette dernière.

 

Il est par ailleurs très triste et très inquiétant de réaliser avec quelle soumission les médecins du travail avalisent et intègrent le fait qu’ils vont devoir changer de pratique sans questionnement de fond.

 

Nous assistons à une situation similaire à celle que nous pouvons observer chez les salariés que nous recevons en consultation et qui nous décrivent, non sans indignité, ce qu’ils subissent et doivent accepter pour préserver leur activité professionnelle nécessaire à leur survie alimentaire, mais tellement délétère pour leur survie psychique. Soumission, perte d’identité sont des événements de plus en plus souvent à l’œuvre dans les processus de psychopathologie, on peut alors constater que les médecins du travail sont, pour une grande majorité d’entre eux, très en souffrance pour ne pas accepter de se mettre face à la réalité et accepter un renversement à 180° de leur prescrit de travail sans aucun commentaire ni aucun questionnement.

 

Signalons également que ce décret a été édicté sans l’aval ni les prises de position des professionnels concernés qui pour la plupart ne s’en offusquent pas.

 

Nous vivons actuellement dans une société où la règle est d’agir dans le non sens, dans la perte de sens. Jusqu’où sommes nous encore capables d’aller, jusqu’où pourrons nous encore nous battre pour dénoncer et résister à ces incohérences ?

S’il ne s’agit pas d’une chronique de la mort annoncée de la santé au travail, ce décret y ressemble à s’y méprendre.


Interpellation n°5

 

«La loi veut prévenir l’altération de la santé…mais elle  vous autorise à respirer des cancérigènes : Qu’est-ce-que vous comprenez ! »

 

Service de santé au travail, vous découvrez cela en 2005 ; mais vous qui souffrez dans votre travail ne pouvez montrer qu’incompréhension devant ce terme santé au travail.

Les atteintes à la santé liées au travail se multiplient que ce soit troubles musculosquelettiques, cancers (plus de 3000 /an liés à la seule amiante), atteintes psychiques et de plus les grandes enquêtes européennes ou nationales confirment toutes ces aggravations. Alors vous pouvez vous interroger sur ce qu’est cette santé au travail.

Que vous dire ? Devant tout cela existe depuis environ 50 ans la médecine du travail ayant pour seule mission : prévenir toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. Cette mission est à peu près impossible, elle est empêchée de fonctionner du fait des carcans qui l’ont toujours  et encore maintenant  pervertie.

La santé au travail est pieds et  poings liés aux employeurs, ce sont eux qui gèrent et qui font correspondre une consultation à une cotisation, et une cotisation à une aptitude, cela sanctionne toutes ou presque toutes nos consultations, cette aptitude est un véritable  passeport pour poursuivre une activité professionnelle et aboutit à adapter l’homme au travail ce qui est le contraire de ce que la loi nous demande, l’aptitude reste une démarche eugéniste, celle de faire une sélection biologique de la main d’œuvre. La notion d’aptitude est d’ailleurs rejetée par les autres pays européens.

Vous connaissez  tous ces apostrophes : t’es encore apte ?

Ce rôle de véritable contrôle a envahi la profession et nous demande tous les jours d’enfreindre le code de déontologie médicale qui  nous dit que le médecin ne  doit s’occuper que de santé.

Dès le départ le médecin du travail aurait dû avoir comme objectif d’être à l’écoute du salarié, d’être à même de comprendre le lien que celui-ci  fait entre son travail et son état de santé, avec une approche clinicienne de la santé au travail : c’est à dire appréhender ce qui dans l’activité de travail est vraiment déployé et ce qui nuit à sa santé ou au contraire ce qui peut la consolider. Le médecin ne devrait pas être un expert pouvant décider si le salarié reste ou non au travail.

Cette organisation fait de nous des otages : ceux qui génèrent les risques contrôlent l’exercice de professionnels chargés de la prévention  des risques, c’est comme le dit souvent un confrère la douane abandonnée aux contrebandiers ! 

L’espace d’indépendance vous l’aurez compris est mince et chacun embrassant la profession peut être assez  naïf pour penser que l’employeur l’écoutera, prendra en compte ses conseils. Puis rapidement il est confronté à plusieurs refus, à des menaces ou du mépris qui lui font comprendre qu’on n’ attend rien de lui, qu’il n’est là trop souvent que pour permettre à l’employeur d’évincer un salarié. Le médecin malheureusement  rentre dans sa coquille et est tenté par la soumission parce que quand il pousse un peu trop la contestation comme de dénoncer la présence d’amiante exposant des salariés, il se fait vertement taper sur les doigts et démettre de son activité. Quand devant des accidents du travail non pris en compte, il ose alerter l’inspection du travail il se fait aussi taper sur les doigts et démettre. Quand il parle lors d’un CHSCT de conditions de travail délétères sur le plan des relations humaines, il se fait renvoyer vers ses seuls avis d’aptitude.  Beaucoup d’entre vous ignorent des lois que nous considérons inapplicables : vous avez été autorisés à respirer jusqu’à 2 fibres d’amiante par cm3, plus récemment vous pouvez être autorisés à porter seul 55 kg  et  en 2002  vous êtes autorisés aussi à respirer des cancérogènes et même le conseil d’Etat donne son aval.  Ecrire cela sur des fiches d’aptitude serait pour nous de l’indignité.

 Voilà des années que, regroupés nous dénonçons tout cela et refusons de nous soumettre, de courber l’échine devant l’incompréhension des pouvoirs publics qui n’ont jamais compris ni appréhendé le monde du travail.

Aucune leçon n’a été tirée, nous nous trouvons en juillet 2004 devant un énième décret sur la médecine du travail qui renforce le pouvoir des employeurs, et ce sont eux qui doivent évaluer les risques de leurs salariés. Ce décret nous accuse de n’avoir fait aucune évaluation des risques dans les entreprises : la dernière enquête Sumer en janvier 2005 faite par des médecins du travail, signée par des médecins inspecteurs pointe une nouvelle fois qu’il y a dégradation de la santé au travail, que les travailleurs sont encore plus exposés à des produits identifiés et pourtant tout cela est nié dans ce décret. Nous sommes devenus « service de santé au travail », il faudra refaire des évaluations déjà faites mais nous ne serons que juste bons à remplir des fiches d’entreprises qui n’ont jamais intéressé les entreprises. Cela dans un contexte social difficile : c’est plutôt la fin du social tel qu’on le concevait jusqu’à ces dernières années, les syndicats se retrouvent avec de moins en moins de salariés et les luttes sociales sont sans appui. Que devient l’individu salarié ? Trop souvent il est victime et doit se soumettre individuellement au diktat du profit des entreprises, à la manipulation par les médias. Certains s’en sortent, la plupart non et dans ce monde là, on nous demande de moins vous rencontrer vous les salariés, car vous nous apportez trop d’éléments sur le monde actuel du travail lors de nos consultations.


 

Interpellation n°6

 

« Santé, travail, parole, subjectivité semblent bien de trop car ils rappellent ce qui vit et donc ce qui échappe et  échappera toujours à la norme mortifère du chiffre.

Salariés, nous ne pouvons rien sans vous »

 

 

La santé au travail en France est terriblement mise à mal .Vous le savez à vos dépens ; les enquêtes dont celles du ministère du travail lui-même concordent : les conditions de travail se détériorent, les risques augmentent, la France est lanterne rouge en Europe vis à vis des grands indices en santé au travail ; point particulièrement honteux, nous avons le record des inégalités sociales en matière de mortalité et de plusieurs indices de morbidité. C’est notre expérience : il n’y a  pas de prévention en santé au travail en France parce qu’il n’y a pas eu et il n’y a toujours pas de réelle volonté politique qu’il y en ait. Si nous nous permettons cette affirmation c’est que nous avons commencé par notre propre autocritique. Dans un dialogue avec la frange active des professionnels de la santé au travail, nous avons construit une professionnalité, une spécificité médicale malgré les pièges tendus à notre efficacité depuis la création de la médecine du travail .Il a fallu dénoncer et lutter contre la notion d’aptitude car, médecins, nous ne nous voulons là que pour la santé et non pour la sélection qui aboutit à l’exclusion des plus faibles et non à la prévention. Nous avons défendu le « tiers-temps » légalement prévu pour l’étude des conditions de travail contre la logique gestionnaire de nos services qui voulait nous enfermer dans nos cabinets, et écraser ainsi le temps nécessaire de la réflexion et de l’analyse de ce qui atteint la santé .Nous nous sommes rendus compte du caractère très inopérant et parfois même ridicule d’aborder la prévention par une succession de risques aboutissant à des consignes inapplicables surtout à partir des années 90 avec le toujours plus vite , la polyvalence , la flexibilité …. : « mettez vos casques, vos lunettes, vos masques ,vos gants  … » tournait au ridicule . Aidés par des formations en ergonomie et en psychologie du travail ,armés de la ferme volonté d’essayer d’améliorer votre santé et grâce à la confiance que nous avons construite par des positionnements clairs toujours axés sur la santé,  nous avons professionnalisé le contenu des consultations que nous avons auprès de vous, nous les avons voulues d’une autre teneur que cette attitude de sélection que contient cette notion d’aptitude : par votre parole, nous y avons compris la réalité du travail, à tel point que grâce à vos descriptions, grâce à l’expression que vous nous avez fait de ce que vous vivez réellement au travail, nous avons une connaissance du travail souvent meilleure que par l’observation du poste .Vous nous avez confié dans le secret du cabinet médical que les machines les plus bruyantes ne fonctionnaient pas le jour où nous avons visité l’entreprise ou que « c’est agréable quand vous venez car on ne passe pas la résine . » ! ! !

En tout cas , si l’observation des postes peut compléter nos consultations,  notre travail consiste aussi à faire des liens entre ce que nous avons compris en consultation et les observations du terrain ,ces entretiens avec vous demeurent plus que jamais  indispensables à la compréhension du travail, au diagnostic que nous faisons des besoins d’amélioration du travail et, bien sûr, à l’écoute clinique et à l’accompagnement que nous vous donnons. Au fil de cette écoute nous avons réalisé la richesse de toute cette part cachée du travail et de votre investissement tout aussi invisible que la souffrance, l’un et l’autre au cœur des enjeux de votre vie et de votre santé. Pour y avoir accès authentiquement , sans faire semblant,  sans vouloir être manipulateur , il faut forcément passer par la parole de ceux qui travaillent et de ceux qui souffrent .Nous avons longuement décrit les atteintes à la santé mentale et leurs mécanismes : dans certains secteurs du travail tertiaire , par exemple , nous savons combien derrière les beaux locaux , les beaux ordinateurs peuvent se cacher  des organisations de travail inhumaines et destructrices .Il n’est d’ailleurs pas rare de voir l’étonnement de certaines hiérarchies ou d’autres acteurs devant la pertinence de nos remarques prouvant notre connaissance du travail alors qu’ils ne nous voient pas souvent dans l’entreprise. Toute cette connaissance, tout ce savoir-faire construit malgré les obstacles sont balayés par le nouveau décret qui n’apporte aucune avancée pour répondre aux fondamentaux indispensables à la prévention (voir liste jointe et longuement argumentée les années précédentes ) mais qui s’en prend aussi à cette professionnalité construite qui vient déranger la toute-puissance de la logique gestionnaire tout simplement parce qu’elle se réfère à l’humain : santé, travail, parole , subjectivité semblent bien de trop car ils rappellent ce  qui vit et donc ce qui échappe et échappera toujours à la norme mortifère du chiffre.   

Après nous « avoir enfermés » dans nos cabinets médicaux grâce à la surcharge et à l’obsession du systématisme rigide de la visite annuelle, nous voilà assignés au systématisme aveugle de la fiche d’entreprise par un décret qui ose faire une telle  ingérence quantifiée dans notre activité et même nos plannings qu’il vient se contredire lui-même en parlant de l’indépendance du médecin du travail et le traiter comme un simple exécutant irresponsable, ce qui est le contraire même de l’activité médicale (oserait-on écrire qu’un cardiologue devra prévoir a priori trois demi-journées par semaine à faire des artériographies ? ? ? ?) .

Nous qui depuis onze ans écrivons chaque année pour essayer de convaincre qu’il y a urgence à passer à la transformation , nous qui avons contribué avec ardeur et conviction à la construction d’un vrai métier de médecin du travail au service de votre santé , nous avons été réunis comme des gosses de maternelle .On nous a expliqué qu’il fallait arrêter de perdre son temps en longs  rapports inutiles , que l’important était de mettre nos demi-journées de visites dans nos plannings et de faire des listes de risques les plus synthétiques possible en nous affirmant qu’« éviter l’altération de la santé ce n’est pas le problème du médecin du travail ! ! ! »

Dans une terrible communauté de destin , nous vous rejoignons vous les salariés qui êtes sommés de faire des choses contraires à votre éthique, vous les salariés des secteurs médicaux et sociaux qui nous dites votre colère ou votre détresse de voir piétiner votre investissement professionnel par le mépris  des exécutants des logiques gestionnaires.

 

L’Etat , acculé par le débordement des constats et les mises en demeure de la justice et de différents organismes de contrôle se dédouane  de toute responsabilité en prenant prétexte qu’il faut améliorer l’action des médecins du travail .S’il est grossier de faire porter la culpabilité des ravages de la logique ultra-libérale à ce seul corps de métier, cela est malgré tout habile car la culpabilité de l’inefficacité est malgré tout terriblement à l’œuvre même si elle est rarement avouée et responsable de bien des stratégies défensives . Verrouillé et muselé depuis plus de 50 ans dans une logique de soumission au pouvoir patronal et de déviance par rapport à l’objectif de santé  via l’aptitude, l’ensemble de la profession s’est morcelé et n’a pas pu construire des règles stables de métier pour lui permettre de s’élever contre les incessantes intimidations dont elle est l’objet .Le bouc émissaire est bien choisi ,peu fier de ce qu’il a fait jusqu’à présent , il lui est proposé de se « racheter » en prenant un virage professionnel à 180 degrés :l’instance de tutelle qui a comptabilisé pendant 50 ans le nombre de visiotests et de fiches d’aptitude , nous annonce qu’elle va compter nos fiches d’entreprise ! ! ! au moment même où une nouvelle enquête Sumer décrit l’aggravation des conditions de travail. Nous avions parlé du drame des services inter, de l’agénésie de ce métier ; nous avons œuvré pour faire évoluer ce gâchis ce qui était parfaitement possible (voir nos fondamentaux en annexe) .

Nous avons tenu régulièrement informés les responsables de l’Etat, les politiques , les représentants des salariés , le pouvoir et les contre-pouvoirs que la situation de la santé au travail est très grave en France mais qu’il y a des solutions possibles .Non seulement nous n’avons pas été entendus mais le coup de grâce est porté par ce décret qui s’en prend à la dimension médicale et donc  humaine de notre mission .

Depuis que la logique purement gestionnaire a poussé le bouchon jusqu’à  s’en prendre aux professions qui ont en charge l’humain , elle a franchi un pas terriblement grave qui est peut-être bien en train de signer sa propre autodestruction .En attendant , ne nous interrogeons pas sur la multiplication des suicides .Dans sa morgue ce système oublie qu’il fonctionne grâce à des humains et que nier cette réalité, c’est avancer vers l’implosion !

Dans un hommage à un de ceux qui nous a aidé à construire notre métier ,à comprendre les mécanismes de votre souffrance au travail et aussi la nôtre , affirmons avec Christophe Dejours : 

« Pour moi, il n’y a pas de contestation possible, la seule valeur importante c’est la vie .Pas la vie biologique seulement mais aussi ce qui s’éprouve en soi .C’est ce que nous sommes en train de perdre .Et je pense qu’il n’y a aucune raison de laisser cette dérive se poursuivre . »

Nous ne pouvons rien sans vous.

 

 

 

 

 

 


 

Réflexions du Collectif des Médecins du travail de Bourg-en-Bresse au sujet du nouveau décret de juillet 2004 sur

la médecine du travail.

 

 

Le 28 octobre 2004

 

 

Si l’on part de l’analyse des constats en santé au travail en France, des énormes besoins et des carences graves des services qui sont censés faire de la prévention, le nouveau décret n’apporte aucune avancée.

Alors qu’il fallait assainir les services, clarifier les missions pour permettre aux préventeurs  de déployer une activité réflexive en adéquation avec les constats, les prescriptions de ce décret font fi de ces constats et de la réalité du monde du travail.

Le flou épais qu’il cultive n’aidera à dissiper aucune des confusions à l’œuvre.

A nouveau, il présente comme une avancée un simple changement de « look » du verrouillage patronal de l’activité préventive.

 

1)        L’allègement et le dégagement de temps sont loin d’être assurés, avec les effectifs « plafonds » annoncés.

2)        Le fait que l’évaluation des risques ne soit pas confiée aux professionnels mais aux accords de branches, dans le contexte actuel anti-démocratique et la fragilisation du paritarisme, qui reste nécessaire mais jamais suffisant en terme de santé publique, nous fait redouter un renforcement du déni alors qu’il est démontré que les résultats catastrophiques de la prévention française sont en lien fort avec une occultation organisée depuis des décennies.

3)        Rien n’est fait pour couper court à la dérive commerciale des services et rompre le lien direct financier qui fait barrage à la sérénité et à l’indépendance nécessaire à l’action préventive.

Le regard appauvrissant des employeurs sur la santé au travail aboutit au fait que, déjà maintenant, les services sont hyper sollicités pour diviser par deux la cotisation, au nom du passage à la visite tous les deux ans (périodicité qui est déjà considérée comme acquise pour tous). La médecine du travail est incroyablement réduite à une visite, réduite à une cotisation et cela dure depuis des décennies ; il est faux de dire que c’est par manque d’information.

D’où l’urgence à devoir rompre ce lien financier direct entre les services de santé au travail et les employeurs.

4)        S’il fallait remettre en question l’obsession quantitative des visites tournées vers l’objectif de la rentabilité des services, il n’est pas plus préventif de changer d’obsession pour se tourner vers une systématisation des fiches d’entreprises, comme si l’acticité préventive se restreignait à cela.

Nous faisons déjà les 150 demi-journées de tiers-temps mais avec un effectif de 2600 salariés : et nous avons bien démontré grâce à ça  que l’évaluation, certes toujours à améliorer, mais déjà faite de manière assez précise comme dans le domaine de l’aéro-pollution, ne débouche sur aucune transformation.

Dans le contexte d’insuffisance de démocratie sociale des PME, les consultations (si elles étaient faites dans un esprit de prévention : et c’est cela qu’il faut assurer quelque soit l’activité), permettaient de faire un premier tri des problèmes, d’évaluer les risques avec une grande pertinence et d’orienter les actions en milieu de travail .

Le risque psychosocial et les atteintes à la santé mentale tellement majeurs actuellement sont totalement balayés par cette nouvelle logique comptable.

Le danger est donc grand, compte tenu de l’océan de souffrance ambiante, d’un déficit de prise en charge.

5)        Au passage, discrètement mais nous ne sommes pas dupes, le patronat  grignote

 encore sur notre espace d’indépendance : visite à la demande des employeurs ; le « service »   s’occuperait des envois des documents faits par le médecin du   travail. Nous entrevoyons là une dérive à vouloir « orchestrer notre activité » et donc de faire intrusion dans notre espace d’indépendance ; par conséquent, il faudra participer de la résistance à écarter cette dérive car cela est en contradiction avec la clause d’indépendance prévue dans le  même décret.

        On nous annonce déjà qu’il va falloir « nous valoriser », et se rapprocher de l’entreprise .

Quand on connaît la logique managériale actuelle qui ne s’inquiète que de la rentabilité dans un déni de l’humain, on voit bien les dérives qui guettent les services.

 

      .

 Il faudra veiller à ce que la commission médico-technique ne se transforme pas du fait des ambiguïtés et du carcan, en une commission technico-commerciale.

 

6)        L’apport de la pluridisciplinarité, certes nécessaire, est obéré d’un potentiel

d’émancipation à partir du moment où elle non plus, n’est pas clairement sortie de  la main mise des employeurs.

Ce mot, « disciplinarité », comme celui de « service de santé au travail », sont utilisés comme de la poudre aux yeux puisque aucun moyen réel n’est donné pour les rendre pertinents et à la mesure des besoins en prévention.

7)  Enfin, toujours un grand silence sur les méfaits de la gestion par l’aptitude et tout ce qui a pu être délibéré avant cette réforme sur son inefficacité , son pouvoir de cautionnement et de nocivité alors que cette réforme aurait pu traiter cette question essentielle. Par contre, dans le contexte délétère actuel, l’inaptitude thérapeutique avec l’accord du salarié, reste un moindre mal et un accompagnement parfois nécessaire.

 

Les médecins doivent être conscients que l’on continue à les instrumentaliser dans une activité de faire-semblant, qui change simplement de masque.

Il nous semble nécessaire de refuser de continuer à être les cautionneurs du dysfonctionnement qui tourne à la caricature.

Tout ce décret laisse transparaître entre les lignes l’utilisation du médecin du travail comme bouc émissaire : il sous-entend ,  comme  les discours de certains hauts responsables et celui de nos directions , qu’il suffit que nous changions nos comportements et sortions de nos cabinets médicaux pour que les conditions de travail dans les entreprises s’améliorent et les risques disparaissent.

On nous envoie encore et toujours évaluer et réévaluer pour gagner du temps et maintenir l’immobilisme du déni français.

Si cela tourne mal, les médecins du travail seront là pour endosser la faute.

 

 

Docteurs Mireille Cellier, Odile Chapuis, Jacqueline Chauvin, Elisabeth Delpuech, Karyne Devantay, Yusuf Ghanty, Chantal Lafarge, Jean-Michel Lauze.

 

41, boulevard Voltaire                                                                                                   tél :04/74/21/88/24

01000 Bourg-en-Bresse                                                                                                  fax :04/74/32/64/41


Docteur Lionel DORE

Secrétaire Général SNPMT

Docteur Odile CHAPUIS

Déléguée SNPMT au CHI de l’Ain

 

 

A Monsieur le Directeur Régional du Travail

 

 

 

 

Copie : Monsieur le Ministre du Travail

             Madame le Médecin Inspecteur Régional du Travail

             Madame l’Inspecteur du Travail

             Monsieur le Président du CHI de l’Ain

             Monsieur le Directeur du CHI de l’Ain

             Mesdames et Messieurs les Membres de la commission de contrôle du CHI

             Monsieur le Président de l’Ordre des médecins

 

 

Bourg en Bresse, le 6 janvier 2005

 

 

Monsieur le Directeur,

 

Nous voudrions vous interpeller sur l’indépendance professionnelle des médecins du CHI de l’Ain au vu de l’affaire du Docteur Devantay dans laquelle les responsables sont toujours dans l’impunité et la santé au travail toujours empêchée dans l’entreprise concernée. Nous notons un état très délétère de non application de la loi quant à la possibilité de la protection de la santé au travail et la manière dont sont gérées les questions de santé au travail dans les services inter. Pourtant dans l’affaire du Docteur Karyne Devantay, tous les acteurs démocratiques ont fait leur travail et joué leur rôle de garants ; le médecin du travail a rempli son travail d’alerte sur les conditions de travail et les atteintes à la santé au travail, l’ensemble des salariés de la commission de contrôle a manifesté son désaccord et son émotion, l’Inspecteur du Travail est intervenu pour que la lumière soit faite alors que le code du travail et même le code pénal étaient bafoués par l’employeur concerné (voir courriers joints) ; or celui-ci est dans l’impunité et si le médecin du travail est resté dans l’entreprise, il n’a toujours pas les moyens d’action préventive réelle.

 

Au vu d’un tel non aboutissement de cette affaire révélatrice d’énormes dysfonctionnements, nous sommes fondés d’avoir des inquiétudes plus que sérieuses sur l’application du nouveau décret d’autant que la direction du service commence à mettre en œuvre son application en l’interprétant dans une vision uniquement comptable, dramatiquement restrictive, et une fois de plus en n’appliquant qu’une petite partie de la réglementation, ce qui nous fait craindre un fonctionnement qui va encore aller à contre courant de la santé des salariés.

Devant les constats catastrophiques en santé au travail le Conseil d’Etat vient de déplorer l’absence d’application des lois dans ce domaine et d’affirmer que c’est le rôle de l’Etat de vérifier l’efficacité de l’application des textes.

C’est bien notre expérience professionnelle de nombreuses années, qui nous permet d’affirmer que si la France a de si mauvais indices en santé au travail, c’est que les médecins du travail n’ont pas les réels moyens d’efficacité pour mener à bien leur mission et que les entreprises françaises sont trop souvent laissées dans l’impunité concernant le non respect des dispositions légales. Par conséquent nous serons extrêmement vigilants quant aux suites qui seront données au dernier décret sur la santé au travail.

 

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de nos salutations distinguées.

 

 

Docteur Lionel DORE                             Docteur Odile CHAPUIS

 

 


Docteurs Cellier, Chapuis, Chauvin, Delpuech, Devantay, Ghanty, Lafarge, Lauze.

41, Boulevard Voltaire

01000 Bourg-en-Bresse

 

 

 à  Monsieur Linage,  Directeur du CHI de L’Ain.

 

 

copies

 

A Monsieur Bourgeois, Président du CHI de l’Ain

A Madame le Docteur Magaud , Médecin Inspecteur du Travail.

A Madame Baccot, Inspectrice du travail

Aux membres salariés de la commission de contrôle du CHI

Au Conseil National de l’Ordre des médecins

 

                            

Le 6/01/2005

 

 

                              Monsieur le Directeur,

 

 

                             Dans la prolongation de ce qui a été dit lors de la première réunion de la Commission médico-technique, nous pensons qu’il est très important de rappeler les fondamentaux qui sous-tendent notre mission de préservation de la santé au travail et qui doivent sous-tendre dans le cadre de cette mission, ce qui va s’organiser à propos du décret de juillet 2004.

Ce sont les constats en santé au travail et les besoins, diagnostiqués lors de notre activité, qui doivent guider les décisions d’action sur le milieu du travail. L’activité du médecin doit partir des besoins en santé au travail et non des besoins financiers du service.

 

Nous ne sommes pas là pour vendre notre tiers-temps ; la logique marchande autour des fiches d’entreprises n’a aucun sens car complètement déconnectée de la réalité des besoins ; nous serons attentifs à ce que la mission de la Commission médico-technique ne dérive pas vers une activité technico-commerciale.

Nous ne pourrons pas laisser faire que des décisions prises au nom de la rentabilité du service envahissent notre activité, gênent par leur rigidité la souplesse nécessaire pour travailler et pour répondre au mieux aux besoins de santé au travail des salariés.

Le président du service doit garantir au médecin les moyens pour qu’il puisse réaliser son tiers temps mais en aucun cas il doit planifier et contrôler cette activité. Nous refusons cela.

Nous sommes bien conscients que le décret doit être respecté mais ce décret ne prescrit ni la rigidité ni le contrôle de la part des services , ni l’aliénation de l’activité de tiers temps par le financement du service.

Le Code de déontologie, le Code du travail de même que ce décret rappellent comme fondamentaux l’indépendance du médecin du travail comme garantie indispensable à sa mission . La clause d’indépendance est centralement articulée avec l’efficacité, or l’efficacité est corrélée avec la latitude de nous organiser, elle est contraire à toute rigidité extérieure. Ce n’est pas au directeur du service d’interpréter cette clause d’indépendance.

Le médecin, dépositaire d’un ordre public social, est juge de ses prestations par rapport à l’efficacité en santé au travail.

 

Le code du travail précise également que la mission de nos assistantes, exercée sous notre responsabilité, est d’aider le médecin du travail dans l’ensemble de ses missions ; la décision émise récemment que nos assistantes n’interviennent pas avec nous sur le milieu du travail   n’est pas de  la  responsabilité d’un directeur de service car elle touche le contenu de la mission des assistantes.

 

En ce qui concerne la pluridisciplinarité , nous sommes favorables à ce que le CHI passe un contrat avec différents organismes extérieurs tels que la CRAM, le laboratoire d’ergonomie   du CNAM à Lyon, le laboratoire de psychodynamique du travail du CNAM à Paris.

Pour l’embauche d’intervenant en santé au travail prévue par le CHI, nous demandons un intervenant pour notre secteur et que celui-ci ait une formation d’Assistant Technique en hygiène et sécurité type DUT, ces deux conditions représentant des garanties de disponibilité et de compétence pour l’aide technique qu’il devra apporter au médecin et effectuer sous sa responsabilité.

Le médecin du travail doit rester le pivot de son action en milieu de travail . En aucun cas, nous n’accepterons d’instrumentalisation de cet intervenant.

Nous précisons enfin que le médecin doit décider en toute indépendance de travailler ou non avec cet intervenant.

 

 

                      Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de nos salutations distinguées.

 

 

Drs Cellier

       Chapuis déléguée syndicale SNPMT

       Chauvin

       Delpuech

       Devantay

       Ghanty

       Lafarge déléguée de secteurCHI

       Lauze


Le Collectif des Médecins du travail de Bourg-en-Bresse

Docteurs Cellier,  Chapuis, Chauvin, Delpuech, Devantay, Ghanty, Lafarge, Lauze.

41, Boulevard Voltaire

01000 Bourg-en-Bresse

 

 

 

Le 13 / 01 / 05

 

 

A  Monsieur le Directeur Régional du Travail

 

Copie à

Monsieur le Ministre du Travail

Madame le Médecin Inspecteur du Travail

Madame L’Inspectrice du Travail

Monsieur le Président du CHI

Monsieur le Directeur

 

 

 

                       Monsieur ,

 

                               Nous tenons à vous faire part de notre consternation devant le décret du 28 Juillet 2004 réformant la prévention en Santé au Travail ; nous n’y voyons aucune inspiration des  propositions des professionnels en santé au travail et notre expérience nous fait craindre qu’il nous mette encore plus en difficultés pour exercer notre mission .Il est consternant dans son déni  de tous les constats graves de bien des professionnels dont nous faisons partie, mais aussi des leçons à tirer des  catastrophes comme l’affaire de l’amiante, A.Z.F., Metal-Europe..et enfin des injonctions réitérées des grands conseillers de l’Etat ( Cour des Comptes, Igas ,Conseil d’Etat ) .Les réponses qu’il apporte sont totalement inadaptées aux réels besoins.                     

Le décret fait comme si tout cela n’existait pas, qu’aucune évaluation des risques et des atteintes à la santé dues au travail n’avait été faite. Il sous-entend que toute la solution repose sur un changement de « comportement du médecin du travail », qui , après avoir été assigné à résidence pendant 50 ans dans son cabinet médical , se voit sommé maintenant d’aller  « partout » quels que soient les besoins et ses constats alors que nous avons démontré longuement dans nos rapports l’indispensable action conjuguée des consultations et des interventions en milieu de travail  dans le cadre d’une démarche réfléchie , avec discernement et sur la base des analyses de nos constats.

Nous savons bien que vous-même n’avez pas la possibilité de changer ce décret mais pour comprendre la suite , il était important que vous sachiez que nous sentons tout le mépris dont il est porteur pour la santé des salariés et pour la dignité des médecins du travail .

Nous sommes à un tel point de caricature que notre syndicat professionnel, le SNPMT, vient d’attaquer ce décret en Conseil d’Etat.

 

Néanmoins puisqu’il s’agit d’une législation, et en attendant les résultats de cette action, nous serons très attentifs à ce que vous veilliez à une application la moins nocive qui soit de ce texte et la plus inspirée de la préoccupation de permettre un réel travail adapté aux besoins de prévention.

Ce décret est irréalisable dans l’ensemble de son prescrit,  tant il passe sous silence des points fondamentaux .L’application de ce texte ne peut trouver sens que s’il fait réellement avancer la prévention, que s’il fait que les conditions de travail s’améliorent et que les hommes et les femmes améliorent leur santé au travail : n’oublions pas que l’objectif affirmé par la loi de 1946 s’impose encore à nous .

 

---Ce décret n’aborde pas du tout l’aspect du financement pour les services et ce flou est extrêmement dangereux car il laisse la place à une dérive que nous voyons déjà prendre dans notre service , qui fait rejeter sur nous ce problème en faisant pression sur nous pour la réalisation systématique de visites d’entreprises et de fiches d’entreprises, systématisme abêtissant et stérile , complètement déconnecté de la réalité des besoins .( pour mémoire, les fiches d’entreprises de toutes nos entreprises les plus « à risques » attendent depuis longtemps  d’être suivies d’effet). Notre direction a osé dire qu’il nous faudrait «  aller vendre notre tiers-temps ». Nous attendons de vous une extrême fermeté pour qu’il n’y ait pas basculement des responsabilités : le financement est le champ exclusif des directions de service. Pendant 50 ans nos services ont aliéné l’activité préventive  en la corrélant à l’unique consultation médicale et à son financement ; dans un revirement tout aussi délétère et simpliste , il est inadmissible que l’on nous réclame une activité réduite à des « visites d’entreprises », transformées en prestations commerciales pour justifier le financement .Un médecin , pour agir en toute responsabilité doit pouvoir mener son action en fonction des besoins qu’il évalue et c’est au gestionnaire à lui donner les moyens de son action .

 

---Nous constatons une  sous-évaluation catastrophique par les employeurs, du nombre de salariés exposés aux risques spéciaux  alors que nos évaluations de praticiens vont à l’inverse et que toutes les enquêtes dont celles du ministère montrent l’accentuation de bien des risques , en particulier du risque chimique . Nous comptons sur vous pour combattre ce camouflage organisé et illégal. Vous connaissez l’enjeu d’une telle sous-évaluation : la privation pour nous du temps de travail nécessaire par surcharge en effectifs et l’impossibilité d’une vraie prévention .

Un lien est d’ailleurs à faire entre cette évaluation du nombre d’exposés et l’obligation pour l’ employeur d’évaluer les risques de son entreprise afin de mettre en œuvre la prévention ; cette obligation est légale et doit faire l’objet d’un authentique contrôle de sa réelle application .

Si le décret sur la médecine du travail doit être appliqué, c’est aussi toute la loi sur la prévention qui doit être appliquée et la transformation sur le milieu de travail est essentielle pour aboutir à de meilleurs indices de santé au travail que ceux que nous avons actuellement en France, honteusement lanterne rouge en Europe.

 

 ---Nous connaissons l’importance du contrôle social dans la gestion des services de médecine du travail et nous comptons sur vous pour faire appliquer la mise en place de ce contrôle au sein de la Commission de Contrôle et du Conseil d’administration .

 

---Nous rappelons que la mission de la secrétaire médicale est d’aider le médecin dans l’ensemble de ses fonctions, le médecin reste le seul juge de la forme que prend cette aide notamment sur le milieu de travail. Nous vous demandons d’être attentif à ce point de la loi dans notre service.

---La question de l’indépendance du médecin dans son activité revient au premier plan comme garde-fou indispensable vis à vis des tentatives annoncées d’intrusion dans notre espace médical d’activité .L’indépendance du médecin du travail est capitale pour arriver à réaliser sa mission, nous connaissons quotidiennement dans notre exercice des atteintes à notre indépendance, et la gestion comptable de la santé au travail  est une des atteintes à notre indépendance.

Le Code de Déontologie, inscrit dans la loi,  dit qu’en aucun cas , le médecin ne peut avoir d’activité commerciale :  

« Article 10 : l’art médical ne peut en aucun cas, ni d’aucune façon, être pratiqué comme un commerce »

« Article 5 : le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle  sous quelque forme que ce soit »
 Le respect de cette loi est une garantie de pouvoir travailler authentiquement en référence à des règles professionnelles uniquement construites sur les besoins de santé au travail. Il ne s’agit en aucun cas d’un confort pour les médecins mais d’une condition indispensable d’efficacité pour mener la mission de prévention qui nous est confiée .

 

 Nous rappelons la clause d’indépendance du décret, nous utiliserons cette clause si besoin ; 

nous rappelons l’Article 32 du Code de Déontologie :

«  librement choisi ou non, le médecin ne prend que des décisions dictées par sa science et sa conscience » 

 

Compte tenu de la loi de 1946, et du Code de Déontologie qui fixent un cap clair d’orientation de notre action , centrée uniquement sur la santé et la prévention, nous opposerons une résistance totale face à toute atteinte empêchant nos choix de travail , choix professionnels étroitement liés aux besoins en santé au travail diagnostiqués lors de notre activité.

 

 

                   Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de nos salutations distinguées.

 

    

                                                                              Le collectif des médecins du travail de Bourg en Bresse

 

 

 

 

 

 

 

 

AU FINAL

 

 

 

 

Déjà il y a 50 ans, on a fait semblant de confier la santé au travail aux médecins du travail, en réalité empêchés dès la naissance de fonctionner efficacement du fait d’une mission ambiguë « l’aptitude » et d’une absence d’indépendance « la gestion patronale ». Ces professionnels se sont embourbés dans le flou de leur mission et de leur service. Ils ont eu bien du mal à vous renvoyer une identité professionnelle construite et cohérente, même si une partie non négligeable a lutté pied à pied pour la construire et l’affirmer. Cette faiblesse identitaire a fait le lit du morcellement et de l’incapacité à s’affirmer. Elle est aujourd’hui la proie idéale d’un système arrogant pour être transformée en bouc émissaire.

 

Du fait des ravages de l’hyperlibéralisme, l’Etat français a été sommé d’agir mais il n’a pas voulu affronter les vraies causes des très mauvais indices en santé au travail : (la remise en cause du déni des constats et du déni des risques, une vraie régulation par la loi, une authentique démocratie sociale auraient été indispensables). Il a donc fait semblant d’agir sans toucher à aucun des déterminants fondamentaux clés pour la prévention, ni du côté des entreprises ni du côté des services de médecine du travail, en méprisant l’avis des professionnels, du conseil de l’Ordre et des partenaires sociaux. Quand notre collègue Karyne D. demandait des améliorations de travail, elle s’est vue accusée d’être la cause des accidents de travail ; l’Etat nous fait le «  même coup » dans le décret :  « que les médecins du travail aillent se promener dans les entreprises et ça ira mieux !». Pénétrant dans l’espace de responsabilité médicale, il envoie les médecins faire des listes systématiques de risques et ne prévoit toujours rien pour améliorer les conditions de travail  et la santé.

 

Habilement au contraire, la proie facile qu’est le médecin du travail est dépecée de sa spécificité médicale, éloignée de la parole des salariés et donc empêchée de pratiquer la « clinique du travail » : spécificité professionnelle riche de sens, construite par la frange active de la profession et qui l’avait rendue un tant soit peu efficace tant par sa capacité à aider les salariés en difficulté qu’à témoigner dans la société. Cette avancée bien que modeste était sans doute encore de trop puisqu’elle est mise à mort délibérément par un patronat qui n’a accepté aucune concession à la logique de la rentabilité maximale. Cette mascarade de la mise en place du décret est en train de s’installer dans les services dits de santé au travail, grâce à la faiblesse identitaire des médecins qui s’apprêtent à compenser leur honte de ne « servir à rien » en étant de bons petits soldats obéissant aux mots d’ordre. Phénomène inédit dans un corps de métier de médecins spécialistes : quels sont les autres spécialistes de médecine qui accepteraient de changer radicalement leur professionnalité du jour au lendemain ? Nous aurions pu être tentés de passer sous silence ce triste constat mortifère mais il s’agit d’enjeux essentiels de santé publique et nous prenons donc le risque d’être la mauvaise conscience de la profession.

 

Très sincèrement cette fois nous n’avons plus guère d’espoir de pouvoir vous aider, de pouvoir améliorer votre santé.

 

Mais on peut imaginer que la caricature est poussée un peu trop loin, que la corde trop tendue va se rompre, que le redressement de l’inacceptable ne venant pas de la raison humaine de ceux qui ont le pouvoir, cela risque fort de venir des événements : « un désastre économique, un Tchernobyl aggravé, par exemple tel qu’il faille mettre fin d’urgence à l’orgie productiviste, une usure violente de la psyché, une déstructuration intérieure des humains tel que tout le corps social vire au chaos…une fin du monde pour ce monde où nous sommes.

 

 Il y a en lui quelque chose de fou il faudra bien sortir du délire. »

Partager cet article
Repost0

commentaires