Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
17 mars 2007 6 17 /03 /mars /2007 14:33

RAPPORT 2006 DE SANTE AU TRAVAIL

-----------------------------

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CONCLUSION COMMUNE DU COLLECTIF DES MEDECINS DU TRAVAIL DE BOURG EN BRESSE

 

 

 

13ème rapport annuel commun d’activité d’un groupe de pairs

 

 

 

 

 

INTERPELLATION DES CANDIDATS

 A L’ELECTION PRESIDENTIELLE 2007

 

POUR UN PACTE DE TRAVAIL DECENT

 

 

 

L’autre urgence escamotée : en finir avec le travail dégradé et ses redoutables conséquences sur la santé des populations et la cohésion sociale.

 

 

 

 

 

Collectif des médecins du travail de Bourg en Bresse

Docteurs CELLIER, CHAPUIS, CHAUVIN, DELPUECH, DEVANTAY, GHANTY, LAFARGE, LAUZE.

41 Boulevard Voltaire 01000 BOURG EN BRESSE Tel : 04 74 21 88 24

 

 

                                                                                                                      Février 2007

 

 

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

 

 

 

En matière de santé au travail, nous n’en sommes malheureusement pas au principe de précaution mais à l’alerte maximale  tant la dégradation est intense et les moyens mis en œuvre dérisoires et inadéquats par rapport aux besoins. C’est pourquoi, en tant que  médecins chargés de la santé au travail, nous sommes obligés de vous interpeller car, en ce domaine, la prévention n’a pas les moyens de sa mission et nous voulons savoir quelle sera votre position de candidat à la présidence de la République sur cette question qui est centrale pour nous,  praticiens de terrain, tant pour la santé de la population que pour la cohésion sociale et la démocratie.

 

Nous sommes un groupe de huit praticiens de terrain, légitimés par la République, à mener depuis 13 ans, des actions de veille, d’alerte et de témoignage motivées par la montée en puissance des multiples atteintes à la santé dues au travail. Ces actions sont une priorité professionnelle du fait de l’ampleur des dégâts.

Voilà près d’un siècle que les responsables de tous bords laissent perdurer une situation traditionnellement très mauvaise en laissant le travail et ses conséquences dans « l’angle mort du débat sociétal ». Nous connaissons bien le fossé abyssal entre les terribles réalités, le discours politico-médiatique et les stratégies de détournement par rapport à l’évidence. Nous sommes en train de basculer dans le cauchemar du fait de l’emballement du système qui est venu se surajouter à la situation déjà très préoccupante.

 

Ces quinze dernières années, l’aggravation  n’a pas cessé à tel point que les indices de mortalité, morbidité et inégalités sociales de santé dues au travail sont parmi les plus catastrophiques en Europe. Aucun décideur n’a eu jusqu’à présent la volonté de s’attaquer aux vraies raisons qui font le lit des mauvaises conditions de travail en France, personne n’a eu le courage de remettre en cause tout ce qui concourt  à la véritable hypocrisie sociétale de toujours nier le lien entre santé et travail qui  fait que la France a eu 25 ans de retard par rapport aux principaux  pays européens pour reconnaitre la silicose, 25 ans de retard pour interdire l’amiante, et que la ville de Toulouse a failli être rayée de la carte …

 

Nous alertons depuis 13 ans chaque année et sommes « condamnés à crier dans le désert ». Nous n’avons toujours pas  renoncé car, actuellement, du fait de la folie galopante d’un système obsédé par la rentabilité extrême à court terme, outre les pathologies physiques qui explosent, nous sommes terriblement inquiets de la véritable attrition qui frappe un nombre impressionnant de salariés, tous secteurs d’activité, tous niveaux de hiérarchie confondus parce qu’ils sont épuisés par « le toujours plus sans limite » et plus encore parce qu’ils sont en situation de détresse, atteints dans leur dignité et leur identité, acculés qu’ils sont à faire un travail de mauvaise qualité et dépourvu de sens dans une ambiance relationnelle délétère. Dans l’obsession quantitative unique, les organisations de travail font taire tout retour de la réalité des vrais besoins d’un vrai travail. Cela aboutit de plus en plus à un management aliénant, voulant imposer la soumission puisqu’il ne veut plus entendre parler de la réalité. Dans un tel mensonge organisé, la valeur travail, la vraie, celle qui n’est pas marchande mais qui est capable de fédérer pour un « bâtir ensemble » est abolie et avec elle, le lien social et le « vivre ensemble » sont détruits. Chacun se retrouve seul au milieu des autres, isolé par  la honte, pour pouvoir manger,  de devoir se soumettre à des ordres idiots, ne correspondant ni aux critères professionnels, ni aux critères éthiques, et qui vont même à contre-courant de l’économique tant ils dénient le réel.

 

 

On ne peut pas prétendre actuellement vouloir œuvrer pour l’épanouissement des français si on ne touche pas à ce cancer qui ronge le travail ; d’autant qu’en actionnant ce déterminant essentiel, on agirait sur des points fondamentaux pour notre société comme l’urgence à traiter le sort fait aux jeunes,  abandonnés à la précarité et ses redoutables conséquences, ou celui fait aux  seniors pour lesquels on recule l’âge de la retraite alors que leur vécu du travail est devenu invivable; pourquoi ne pas faire comme en Finlande, d’abord humaniser le travail avant de discuter sur l’âge de la retraite. En touchant à ce déterminant qu’est le travail, on préviendrait en même temps  l’exclusion du travail et donc l’exclusion sociale et ce serait aussi une authentique manière de traiter la question des comptes de l’assurance-maladie. On lutterait contre la violence et pour la cohésion sociale. La santé au travail étant une des pièces d’un même immense puzzle destructeur, réguler les rapports humains au travail en freinant le délire productiviste répondrait à d’autres graves thèmes d’actualité dus aux mêmes mécanismes comme la pauvreté, le mal logement ou la menace écologique. La question de la transversalité de ces urgences est criante pour qui veut bien voir.

 

 

Pour comprendre la situation particulièrement honteuse de la France, dans le contexte européen pourtant soumis globalement à la mondialisation, il faut regarder, outre son historique peu reluisant de déni traditionnel concernant le travail, sa spécificité à laisser libre cours, sans régulation, à la folie des logiques gestionnaires tellement insensées qu’elles en deviennent stupides. La France se fait maintenant remarquer comme particulièrement drastique dans les coupes sombres sur les effectifs,  technique managériale dont le système actuel se délecte et qui est un déterminant majeur retrouvé à l’origine des pathologies professionnelles et aussi de la dégradation du travail. L’application brutale et excessive de ces mesures est en train de miner le système de santé français par l’instauration de la pénurie médicale. Outre la dégradation de la qualité et de l’efficacité de la prise en charge des malades et des blessés, on constate aussi la souffrance éthique des professionnels de santé avec ses conséquences inéluctables : démotivation, mise en danger de leur propre santé, suicide… signes d’alerte gravissimes d’un dysfonctionnement qui monte en puissance et rejoint la problématique d’un grand nombre de salariés français.


 

 

Au cœur de ce marasme, nous travaillons ensemble sur le terrain ; c’est parce que nous avons construit une professionnalité en interne que nous sommes légitimés pour occuper l’espace externe et prendre la parole, affirmer que notre échelle de lecture du monde du travail actuel nous donne les moyens d’analyser la pertinence des discours et des mesures prises par rapport à la réalité des constats et de leur ampleur. Nous avons pu expérimenter toute la force du système à faire taire les victimes et les témoins par les campagnes de déni de la souffrance et de dénigrement « des nantis du travail », par les campagnes de culpabilisation mensongères. Comment peut-on se dire représenter les français en ayant un discours aussi péjoratif sur eux. Nous, nous pouvons témoigner que nous sommes admiratifs de l’incroyable investissement des salariés au travail à tel point qu’ils y laissent leur santé ; et malgré cela, ils portent ce système jusqu’à en arriver à un des meilleurs taux de productivité horaire.

 

Nous devons dire que nous sommes écœurés de l’incurie du discours, nous, praticiens de terrain, voyons bien que les effets d’annonce et les nouveaux textes réglementaires ne touchent à aucun des fondamentaux nécessaires pour détruire le mal à la racine. Les nouveaux textes envoient tous les préventeurs continuer à évaluer et informer alors que, à la dérégulation historique française, s’ajoute depuis plus de 10 ans la dérégulation du système économique actuel et nous affirmons que c’est cela qui génère un véritable niveau de chaos violent et déstructurant.

 

Nous vous demandons donc aujourd’hui si le futur chef d’Etat  sera capable de prendre les dispositions nécessaires pour stopper cette déstructuration humaine et sociale en s’attaquant enfin aux vraies causes. Des actions sont à mener d’urgence et découlent des constats et des analyses, mais pour cela, il faut en finir avec l’ambiguïté sociétale française face au travail et être conscient de l’urgence de la reconquête d’un travail décent.

Il faut également être convaincu de la nécessité de la maîtrise de l’emballement du système économique actuel : si on ne freine pas les logiques de profit et les logiques gestionnaires excessives, tous les préventeurs ne pourront qu’être inefficaces.

Enfin, il y a urgence à instaurer la démocratie sociale dans les entreprises, en particulier dans les TPE et PME (80 % des salariés du privé) où il y a le taux de syndicalisation le plus bas d’Europe. Le manque de visibilité sociale des atteintes à la santé est un frein puissant à la prévention et le paritarisme a fait la preuve de son insuffisance.

 

Fort de ces préalables, faire une vraie prévention en santé au travail relève du parfaitement possible pour autant que l’on mène simultanément plusieurs actions. Il est fondamental d’utiliser le potentiel pluridisciplinaire existant en légitimant les acteurs de prévention déjà en place (Médecine du travail, Inspection du travail et Service prévention des caisses d’assurance maladie), en leur donnant des moyens d’action à la hauteur des besoins, en toute indépendance vis-à-vis de ceux qui génèrent les risques ; un des moyens puissant d’efficacité étant l’application du code du travail existant, permettant de mettre des limites à la dérégulation et ainsi de protéger la valeur humaine.

 

 

 

Notre futur chef d’Etat sera–t-il capable de renforcer les moyens de l’Inspection du travail en légitimant leur rôle et en ramenant les effectifs dans la moyenne européenne (par la création de 750 postes de contrôleurs) et en réaffirmant le rôle de prévention et de coercition de l’organisme de protection sociale pour que cesse cette culpabilisation systématique des salariés lorsqu’ils sont malades du travail alors que rien n’est fait en amont sur l’amélioration de leurs conditions de travail ?

 

Des mesures seront-elles prises pour rompre ce lien financier direct entre médecine du travail et employeurs qui paralyse l’action des professionnels de prévention en santé au travail ?

 

Va-t-on enfin répondre à l’énorme besoin de démocratie sociale dans les PME et TPE en favorisant l’expression des salariés en interne, (par des délégués salariés indépendants, formés sur les questions de santé au travail et ayant de réelles possibilités d’action sur les conditions de travail) en interaction avec d’autres acteurs extérieurs à l’entreprise tels que agences de santé au travail, associations de victimes, associations de citoyens ?…

 

Enfin, la recherche en santé au travail disposera-t-elle de moyens à la hauteur des besoins ?

 

 

Les enjeux sont majeurs ; la question du travail dégradé participe de ce processus de relégation d’une majorité des français qui amène à la désespérance dont nous sommes témoins. L’enjeu est le retour à un travail constructif pour la santé et pour la démocratie, pour un retour de la vie au travail.

 

 

Nous vous prions de croire, Mesdames, Messieurs, en l’expression de nos respectueuses salutations.

 

 

 

                                                           Le collectif des médecins du travail de Bourg en Bresse

 

 

 

 

 

 

 

 

NB : Pour aller plus loin dans la problématique de la santé au travail et du métier de médecin du travail voir pages suivantes « Bilan de la santé au travail ».


 

BILAN DE LA SANTE AU TRAVAIL

BILAN D’UN METIER CONSTRUIT PAR UN GROUPE DE PAIRS DE HUIT MEDECINS DU TRAVAIL 

 

 

 

 « UN GISEMENT D’UN INCROYABLE POTENTIEL QUI ATTEND DESESPEREMENT D’ETRE EXPLOITE POUR QU’ENFIN LA SANTE S’AMELIORE »

 

 

 

 Voilà déjà 10 ans que Christophe Dejours  a écrit son livre « Souffrance en France », voilà 13 ans que notre collectif alerte sur une situation qui ne fait que s’aggraver.

Devant tout le mal  fait à   la santé au travail,  les dégâts énormes en terme de cancers professionnels, d’atteintes à la santé psychique, le législateur répond en nous demandant d’évaluer nos pratiques professionnelles et  impose  un plan santé au travail national pour lequel il faudrait recompter les blessés, les morts, réévaluer et encore réévaluer, plutôt que prendre les mesures pour porter assistance à  toutes les personnes en danger.

 

« Evaluer nos pratiques ! Travailler en groupes de pairs !»  pour construire des règles professionnelles et établir des observations : c’est ce que nous, le collectif, faisons 12 heures par mois depuis 13 ans. Nous avons toujours fait notre tiers temps, toujours travaillé l’articulation entre observation du travail et constats cliniques, toujours rendu compte par des rapports dans nos entreprises et dans la société, remplissant ainsi le devoir d’alerte. Le problème est que, c’est parce que nous agissions pour l’amélioration des conditions de travail, parce que nous alertions que nous avons été attaqués, critiqués, empêchés dans notre indépendance professionnelle, même par les instances qui viennent maintenant sous-entendre que c’est par l’absence des médecins sur le terrain que les atteintes à la santé sont ce qu’elles sont !!! C’est un peu fort ! A ce jour, si le législateur et notre tutelle se rendent compte que le médecin du travail doit s’occuper des conditions de travail, nous applaudissons mais encore faudrait-il mettre en place toutes les conditions pour que la médecine du travail et la prévention en santé au travail soient en ordre de marche, et aussi et surtout faudrait-il passer enfin des constats et conseils à la mise en œuvre réelle et déterminée de l’amélioration : nous n’en voyons pas l’ombre d’un début.

 

Rassemblé, mobilisé et tendu en permanence vers l’objectif unique de protéger la santé des salariés, notre collectif de médecins du travail a depuis longtemps démasqué les illusoires démarches d’évaluation et l’imposture de prévention que représente le décret de juillet 2004, manœuvres  que les différentes tutelles agitent, nous en avons repéré le pouvoir d’aliénation, alertés que nous sommes depuis plus de 10 ans par la réalité de l’extrême durcissement d’un système qui est devenu dans le monde du travail une véritable machine à dilapider  les ressources humaines et les ressources de santé.

 

Aucune réponse adaptée n’a touché aux facteurs essentiels qui gangrènent notre mission et le système de prévention en France et ceci, nous sommes forts de pouvoir l’affirmer, immergés que nous sommes au quotidien dans l’observation du monde du travail, légitimés par notre travail en commun tenace et assidu : partage des constats, analyses, confrontations, actions d’alerte et de témoignage.

 

Oui, nous voyons  encore et  toujours se dégrader les conditions de travail dans les entreprises avec une détérioration physique, mentale et psychique des salariés, dégradation des conditions d’exercice des médecins du travail face aux menaces incessantes vis-à-vis de leur indépendance professionnelle et de plus en plus de difficultés également pour la prise en charge des salariés malades. Ces constats, nous avons commencé à les faire il y a maintenant 13 ans et nous avons eu à  cœur de mettre en question notre métier pour chercher plus d’efficacité. Cela était pour nous un passage obligé que de se remettre en question et de chercher à comprendre ce qui se passait réellement au travail.

Notre collectif est né de tout cela. Il s’est construit petit à petit et s’est trouvé conforté au fil du temps, par les constats similaires aux nôtres faits par toutes les études sur le monde du travail, même  au plus haut niveau de l’Etat (résultats de la cour des comptes et autres hautes instances). Notre collectif a toujours cherché à mettre notre métier de médecin en adéquation avec le monde du travail, à intervenir auprès des employeurs  et  à mettre en lumière les verrouillages de notre institution en particulier le lien direct entre financement de nos services et gestion patronale. Nous avons compris depuis longtemps que ce travail collectif est indispensable à la réalisation de notre mission de santé au travail.

L’obligation de moyens nous a également poussé à construire une coopération d’action en pluridisciplinarité avec l’Inspection du travail et la CRAM pour  des problèmes  majeurs jugés prioritaires tels que l’aéropollution, l’emploi de produits CMR (cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques), le travail dans l’agro alimentaire, dans les abattoirs, le travail des apprentis, les atteintes psychiques liées au travail qui explosent depuis ces 15 dernières années.

 

Nous avons initié  une information collective sur des risques spécifiques, voulu pratiquer un réel 1/3 temps en entreprise, nous avons rédigé des rapports et préconisations beaucoup plus travaillés que de simples listages de risques que sont les fiches d’entreprises qui n’apportent aucune intelligibilité aux problèmes, fiches a priori non exploitées puisque les conditions de travail délétères demeurent. Alors que nous faisions tout ce travail de terrain, l’on se heurtait en permanence aux instances qui voulaient privilégier des visites médicales systématiques et maintenant, alors que les salariés n’ont jamais eu autant besoin d’une prise en charge médicale, il ne faudrait plus assurer que le tiers temps en entreprise…On voit bien là que la confusion ambiante souvent instrumentalisée conduit à brouiller les pistes et amène à une perte d’équilibre dans le métier. Nous avons rapidement priorisé le travail d’alerte et de témoignage, seules réponses possibles et à la mesure de la situation tant étaient et sont toujours verrouillés dans les entreprises, les différents leviers de la prévention. Nous avons maintenu ce  travail d’alerte et de veille  à la hauteur des constats, auprès des autorités de tutelle, des employeurs, des syndicats, des politiques, des associations afin de rendre visible tout cet invisible à l’œuvre pour expliquer la dégradation, la déstructuration du travail. Nous avons même été taxés de trahir le secret d’entreprise en dénonçant les dangers.

 

 

 

 

Nos rapports largement diffusés ont été un vecteur de communication qui a déclenché de nombreuses sollicitations, prouvant ainsi l’énorme besoin de la population à s’exprimer sur ces questions. De notre point de vue, cela n’était pas du temps perdu puisque dans notre métier, favoriser cette expression est une entité indispensable pour déverrouiller les cadenassages qui empêchent la prévention. Du fait de la situation exceptionnelle, cela nous paraît être un point d’efficacité cruciale. D’ailleurs nous nous sommes retrouvés happés par cette cinétique du fait de cette priorisation, et donc en décalage dans la profession non par volonté de se démarquer mais par urgence de l’action. Soucieux de toute ouverture et de coopération, nous espérons encore être rejoints par un plus grand nombre, d’autant que cela est hautement nécessaire puisque la médecine du travail est le principal acteur de prévention en France et que le tabou français sur le travail aurait bien besoin d’une mobilisation large des médecins. Enfin c’était aussi un gage d’efficacité pour permettre le relai dans la société. Entendons nous bien, on voit bien la critique facile de nous dire que c’est du militantisme, il n’en est rien : dans la situation actuelle, il s’agit d’une exigence professionnelle justifiée par le marasme ambiant et la nécessité de porter assistance à personne en danger, vu l’urgence en particulier en terme de prophylaxie mentale. A situation exceptionnelle, stratégie professionnelle exceptionnelle !

 

 

Que pouvons-nous faire d’autre devant l’immensité des besoins et l’impossibilité d’agir en interne, quelle solution plus professionnelle que de témoigner du mal à la racine  devant  tous, pour que la situation ait des chances de pouvoir s’améliorer ?

Cette  préoccupation sur l’efficacité, nous l’avons gardée constante, nous avons analysé et pointé ce qui, dans le système actuel de prévention au travail en France, est essentiel à dénoncer et à transformer afin que tous les acteurs voient leur potentiel d’action libéré et qu’ils aient réellement les moyens d’agir. Nous avons initié une rencontre importante entre l’urgence en santé au travail et les problèmes environnementaux en 2004 et énoncé à cette occasion des fondamentaux pour faire évoluer la santé au travail.

 

 

Tout ceci nous a conforté dans notre métier, nous a rendu plus forts sur les valeurs à défendre  et nous a permis de construire une indépendance propre à notre activité et de prendre en compte au mieux la parole des salariés sans céder à la pression du carcan administratif et de faire sienne cette phrase de TCHEKHOV : «  il est temps pour chacun d’entre nous de se débarrasser de l’esclave qui est en lui ».

 

Si l’efficacité semble recherchée par le dernier décret, les réponses sont tellement tronquées et parcellaires qu’elles en sont fausses : ne dire qu’une infime partie de la vérité c’est mentir ; l’évaluation des pratiques comme l’identification des risques sont bien nécessaires, nous les pratiquons largement depuis longtemps mais il est mensonger de sous-entendre qu’ils seraient  les uniques déterminants de la prévention. Même s’il y a toujours nécessité d’approfondir, nous connaissons globalement bien nos entreprises et  dans chacune, les problèmes de santé au travail qui y perdurent ; si les instances veulent prendre connaissance de tout cela afin d’agir en faisant appliquer la  loi jusqu’à  la transformationnous restons à  leur disposition. Nous savons tous que la simple application de la loi, déjà dans les problèmes d’aéro-pollution, pourrait éviter de multiples pathologies. Faute de cette réponse qui devrait naturellement découler de tous les constats et interpellations, il faudra bien en conclure qu’il n’y a toujours pas de volonté réelle d’apporter des améliorations aux très délétères conditions de travail en France.

 

 

Au total, la France est dans un piteux état par pur entêtement idéologique : piteux état aussi bien en matière de santé au travail que sur le plan social. Endiguer tout cela est non seulement possible mais est une évidente nécessité. Du coté du métier, il faut se décider à mettre fin à cette emprise exagérée du patronat sur les services de médecine du travail et il est nécessaire que des groupes de pairs œuvrent pour des règles professionnelles. Mais cela ne suffit pas parce que la question de l’indépendance et de l’efficacité professionnelle est également intimement liée avec d’autres déterminants pour mettre en mouvement la prévention : il faut, de manière synergique, donner aussi les moyens aux autres acteurs de prévention (Inspection du travail et CRAM) et des moyens d’expression aux salariés et ainsi favoriser la démocratie sociale.

 

 

 

                                               Collectif des médecins du travail de Bourg en Bresse

 

                                               Février 2007

 

Partager cet article
Repost0

commentaires